Appel d'offres 1998 CNRS-INSERM

Adhésion Cellules-Matériaux

Dossier Scientifique

Titre du Projet:

Modélisation expérimentale par caractérisation physico-chimique de l'adhésion de cellules sur biomatériaux de reconstitution osseuse déposés en films minces

Nom du chef du projet: Professeur Alain GIBAUD

 

 

 

A. IntroductioN

1) Objectifs

La détermination sur échantillons réels des principaux facteurs influants quant à la bonne tenue dans le temps de systèmes prothétiques est difficile car la complexité des systèmes vivants est grande. Cette complexité est encore accrue lorsqu'il s'agit de faire cohabiter une matrice vivante avec un corps étranger (minéral, polymère …) inerte ou actif, à cause de la propre complexité structurale et/ou microstructurale de ce dernier.

Notre objectif ici est de modéliser cette problématique, en contrôlant les facteurs microstructuraux et physiques pouvant influencer l'adhésion cellulaire dans le domaine de l'ostéosynthèse, par une fabrication de systèmes simples qui serviront de modélisation, pour permettre in fine de préciser et contrôler ces facteurs influants. L'approche "réelle" (biomatériaux de substitution des tissus osseux et dentaires) sera le souci constant des collaborateurs pour tester l'applicabilité de cette modélisation.

2) Etat de la question

Il existe depuis peu un regain d'intérêt pour les dépôts de films minces d'hydroxyapatite par des méthodes diverses, à des fins de revêtements prothétiques. Cependant, à notre connaissance, peu de travaux se sont concentrés sur l'analyse microstructurale de tels films pour établir les facteurs influants, sur l'adhésion des cellules et la physiopathologie résultante. Pourtant, la fabrication de films autorise ce type d'investigation, car souvent ceux-ci sont de propreté cristalline bien supérieure au matériaux massifs, et surtout beaucoup plus facilement contrôlables d'un point de vue technologique. Nous l'avons par exemple démontré dans le cas récent des supraconducteurs à haute température critique [Pernet et al., Physica C, 235-240, (1994) 627-628].

Trois laboratoires qui collaborent déjà deux à deux se sont réunis sur ce projet.

3) Hypothèse de travail

Notre travail commun sera de réaliser successivement les points suivants:

a- fabrication de systèmes modèles en vue d'une adhésion cellulaire ultérieure: films minces d'hydroxyapatite (HA) pure, d'hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) pure, et de HA/HPMC combinés, sur supports habituellement utilisés en chirurgie ostéoarticulaire et en odontologie.

b- caractérisation précise de leur microstructure et de plusieurs facteurs physico-chimiques par différentes techniques d'analyse.

c- validation de la stérilisation des films, mise en culture cellulaire, puis caractérisation de la biocompatibilité (adhésion, différenciation, expression phénotypique), de la dégradation des biomatériaux (lignées cellulaires spécifiques) et des interactions protéines - cristaux.

Les points a et b seront assurés par les partenaires I et B, le point c par le partenaire A.

 

 

B. Nature de la Recherche

Il s'agit d'une recherche expérimentale consistant aux dépôts de films à microstructure contrôlée puis à l'amélioration de leurs pouvoirs d'adhérents cellulaires (a et b). Ces étapes seront suivies par la mise en culture et la caractérisation in vitro de la biocompatibilité (c).

 

 

C. Objectifs spécifiques

a- Dépôts des films: partenaires I et B:

1- l'hydroxyapatite cristalline pure (HA) sera déposée par évaporation sous vide et par pulvérisation cathodique,

2- les films cellulosiques (HPMC) purs seront déposés par trempage,

3- des films à composition HA/HPMC seront aussi déposés par trempage.

b- Les facteurs influençant sont:

1- les différentes phases intervenant et leurs structures, les contraintes résiduelles, les tailles de cristallites, les orientations préférentielles, le taux de cristallinité,

2- les rugosités (surfaces et interfaces), les porosités (échelle 1/100 ième de mm),

3- les porosités à l'échelle du millimètre et les tortuosités,

4- le caractère hydrophile/hydrophobe,

5- la répartition des éléments atomiques en surface,

6- tenue à la stérilisation.

c- Le partenaire A mettra en œuvre des tests d'adhésion cellulaire avec:

1- des lignées de construction matricielle osseuse et/ou dentaire,

2- des cellules de dégradation et de résorption.

 

 

D. MethodoLOGIE

Objectif a: Fabriquer des dépôts:

a1- le partenaire I possède un dispositif de pulvérisation cathodique et un évaporateur sous vide ce qui permet de déposer des films, par exemple d'hydroxyapatite,

a2 et a3- les films de HPMC purs ainsi que les films à composition mixte HA/HPMC seront déposés par la méthode classique du trempé, à partir d'une solution aqueuse.

Objectif b: Morphologie et physico-chimie des surfaces modèles, avant et après stérilisation:

b1- la diffraction des rayons X sera utilisée. Cette technique permet d'examiner une profondeur de 10 à 100 mm. Pour cela, le partenaire A dispose d'un générateur de rayons X équipé d'un diffractomètre 4-cercles.

Le travail de diffraction sur films minces présente une difficulté majeure due à l'obtention quasi-systématique de films orientés préférentiellement (texturés). La seule façon quantitative de déterminer tous les paramètres de b1 est d'utiliser un diffractomètre 4-cercles, à cause de l'anisotropie inhérente aux phases cristallines. D'un autre côté, l'obtention de films anisotropes permet de connaître l'influence des facteurs liés à l'anisotropie sur l'adhésion cellulaire. C'est pour cela que ces films sont proposés comme modèles physiques.

Les phases en présence (pourcentages de HA, HPMC, a- et b-TCP …), les contraintes résiduelles et les tailles de cristallites seront quantifiées par analyse combinée des diagrammes de diffraction de rayons X, en incluant l'analyse des profils de raies, éventuellement anisotropes, de leurs élargissement et déplacements. A cause des orientations préférentielles, ces études ainsi que le taux de cristallinité seront pondérés par les fonctions de distribution des cristallites caractérisant les textures présentes. La méthode globale permettant cette analyse est maintenant connue sous la dénomination RTA (Rietveld and Stress-Texture Analysis, L. Lutteroti et al., 1998, ILL Reports),

b2- la réflectométrie des rayons X permet de sonder la matière sur des profondeurs de l'ordre de 100Å (1/100 mm). Pour cela, le partenaire I est équipé d'un réflectomètre à haute résolution. La surface de matériaux prothétiques réels massifs préparés par la technique du biocompactage par explosion ou par frittage sont a priori aussi analysables. Ils seront donc de bons tests pour valider l'approche de modélisation,

b3- des mesures de propagation acoustiques ultrasonores (porosités millimétriques) et sonores (submillimétriques) seront effectuées. Cette méthode repose sur l'établissement d'ondes stationnaires dans un tube de Kundt. Cette technique permet une caractérisation de matériaux massifs (ou de matériaux minces empilés) du type de ceux utilisés dans ce projet,

b4- la balance hydrophile/hydrophobe des films déposés sera mesurée par détermination du mouillage et calcul des énergies de surfaces globales, et des composantes polaires et apolaires (selon Young-Dupré/Owens-Wendt). Ces mesures seront réalisées par les méthodes classiques de goniométrie avec la technique des trois liquides,

b5- les rugosités et morphologies de surfaces seront évaluées par microscopie électronique à balayage à pression variable (MEB-pv), cette technique permet d'estimer les rugosités à une échelle intermédiaire entre la réflectométrie des rayons X et les mesures acoustiques. Notre appareil est équipé d'un analyseur (éléments détectés à partir du Bore): des cartographies seront réalisées et permettront de connaître les répartitions spatiales de HA et HPMC en surface. En outre, le MEB sera utilisé en mode Kikuchi sur les couches à qualité cristalline suffisante, pour révéler d'éventuelles relations d'orientations entre phases,

b6- la stérilisation des films sera effectuée soit par la chaleur humide, soit par irradiation gamma. Les films seront à nouveau contrôlés.

Objectif c: Culture et adhésion cellulaire:

c1- • lignées fibroblastiques L 929: les trois types de films minces précédents seront mis au contact de cellules murines fibroblastiques L 929 qui seront cultivées selon les protocoles S 90-702 et ASTM F 813-83. Nous réaliserons des tests par contact direct afin d'observer la destruction cellulaire, la confluence et l'expression phénotypique. Toutes les expériences seront menées en triplicate à des délais de 24 et 48 heures,

• fibroblastes pulpaires: le tissu pulpaire est très spécifique car isolé dans la cavité pulpaire aux parois minérales indéformables. Sous inflammation, ce tissu ne peut se dilater et évolue défavorablement. Les odontoblastes très différenciés de la pulpe, responsables de la sécrétion de la dentine, ne peuvent être remplacés une fois détruits. Leur remplacement nécessite la différenciation d'autres cellules présentes dans le tissu pulpaire. Parmi ces dernières on compte les fibroblastes pulpaires pouvant se différencier en ostéo-odontoblastes, sécrétant l'ostéo-fibrodentine réparatrice. Le partenaire A pratique la culture des cellules fibroblastiques à partir d'explants pulpaires. Cette technique in vitro est indispensable à la mise au point d'un matériau de coiffage pulpaire injectable. L'étape de modélisation proposée dans ce projet est donc particulièrement intéressante pour étudier les premières phases de la minéralisation pulpaire, et permettra de définir des supports de culture mieux adaptés à l'adhésion cellulaire et à l'expression phénotypique de ces cellules,

c2- étude des mécanismes de résorption et des lignées cellulaires impliquées dans les processus de formation ostéoblastique, lors de l'association moelle osseuse - céramique (ces mécanismes sont nécessaires à la néo-formation osseuse, travaux partenaire A). L'objectif c2 est d'étudier ces processus de résorption:

• à partir de monocytes issus de sang humain périphérique pour définir des modèles de dégradation et de les comparer aux processus de résorption de type ostéoclastique (taille, forme des lacunes de résorption). Cette étude permettra aussi de définir les mécanismes enzymatiques de dégradation des biomatériaux phosphocalciques par les cellules monocytes - macrophages,

- à partir d'ostéoclastes isolés à partir de fragments osseux de lapins nouveaux nés, et cultivés selon un procédé original (Dr. Yamada, Japon et partenaire A). Ce modèle permet de comparer les propriétés de résorption de différents matériaux et d'analyser l'effet des précipitations d'apatite biologique sur ces substrats.

Les méthodes d'analyse utilisées pour réaliser l'objectif c sont la coloration vitale au rouge neutre et la méthode MTT, suivies d'une quantification après 24 et 48 heures. Le comptage et la forme cellulaire, les lacunes de résorption seront quantifiés par MEB et analyse d'image. Les transformations biologiques des matériaux seront analysées par microanalyse X de type EDS. Nous réaliserons des études d'immunofluorescence par marquage du Collagène Type I, de la fibronectine et de la Phosphatase Acide Tartrate Resistante (TRAP).

 

 

E. coordination de la recherche

Elle sera effectuée par le partenaire I, (A. Gibaud PR et D. Chateigner MCU), en concertation avec le partenaire A (G. Grimandi, CS, G. Daculsi, DR2) et le partenaire B (G. Legeay, DR). Les différentes équipes utiliseront pour ce projet:

Partenaire I: LPEC, thèmes a1, b1, b2 et b3

- les bâtis de pulvérisation cathodique et d'évaporation,

-des moyens de diffraction et réflexion des rayons X (3 générateurs, un diffractomètre 4-cercles, un détecteur courbe, 2 réflectomètres),

- un équipement à tube de Kundt,

- les moyens de calculs rapides pour l'affinement des paramètres microstructuraux.

Partenaire A: LRMIB, thèmes b6 et c

- moyens de stérilisation et de contrôle de stérilité,

- moyens de cultures et de caractérisation de la biocompatibilité,

- microtomie et ultramicrotomie, centrifugation et microcentrifugation,

- ionométrie, chromatographie basse pression et HPLC,

- microscopies électroniques, photoniques visibles et IR, inversées.

G. Grimandi, CS, est membre de commissions de normalisation, de marquage CE et de matériovigilance.

Partenaire B: CTTM-IRAP, thèmes a2 et a3, b4 et b5

- un microscope électronique à balayage a pression variable,

- un laboratoire de chimie,

- moyens de traitements de surfaces par plasma froid,

- moyens d'acquisition et de calcul des énergies de surfaces.

Le calendrier prévoit trois réunions périodiques de concertations par an.

 

 

F. perspectives

Les résultats de ce travail concernant l'adhésion de cellules sur biomatériaux de constitution osseuse permettront de corréler les propriétés biologiques fondamentales (apposition, résorption) des biomatériaux de substitution osseuse et dentaire aux qualités physico-chimiques et microstructurales de matériaux modèles à bases de HA et HPMC. L'utilisation de substrats de différentes qualités cristallines permettra de mieux définir les interactions HA (ou HA/HPMC) avec le biomatériau prothétique.

Ce travail permettra de connaître l'influence des caractéristiques morphologiques (surface et volume), et physico-chimiques sur l'adhésion des cellules.

Les modèles in vitro doivent nous permettre de disposer de méthodes substitutives à l'expérimentation animale pour tester et évaluer les processus de dégradation et de dissolution des matériaux, de contribuer à la connaissance des lignées cellulaires de dégradation et de résorption osseuse et dentaire, et de connaître l'interface support/cellules.

Elle présente, en outre, une approche intéressant des problèmes de normalisation des biomatériaux.